L’importance d’une ligne éditoriale claire

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ENTREVUE  • OCTOBRE 2020

Isabelle Quentin, éditrice, experte-conseil, directrice en stratégie.

 
 

Mon parcours

Depuis toujours, mon action vise à diffuser des idées de qualité qui donnent aux gens davantage d’autonomie pour que leur vie soit plus riche, plus satisfaisante et plus utile, et qu’ensemble nous contribuions à créer un monde meilleur.

Ma mission personnelle est de construire un monde dans lequel les personnes pourront chaque jour offrir le meilleur d’elles-mêmes, au travail comme dans leur intimité, dans le respect et la sécurité, et qu’elles en soient gratifiées.

Entrepreneure, intrapreneure, éditrice, auteure, rédactrice en chef, journaliste, blogueuse, j’utilise avec un égal bonheur tous les formats — papier, électronique, audio, vidéo —, pourvu qu’ils servent l’intérêt de celui, celle, qui veut aller plus loin.

Isabelle Quentin est experte-conseil, directrice en stratégie, contenus et produits de communication en entreprise.

MON SITE

1. Qu’est-ce qu’une ligne éditoriale?

La piscine : la maison d’édition

L’image qui me vient pour expliquer la ligne éditoriale est celle-ci. Il s’agit du couloir dont on ne devrait pas sortir à l’intérieur d’une piscine olympique, au moment d’une compétition.

Chaque maison d’édition a une ligne éditoriale. Elle peut même en avoir plusieurs pour autant de marques. Mais elles doivent toujours faire partie de la même piscine! Permettez-moi d’utiliser l’exemple de mes sociétés.

Par exemple, Isabelle Quentin éditeur s’est développée à travers plusieurs autres noms légaux pendant 25 années. Chaque nom légal avait ses propres collections. Ces noms légaux et ces collections constituaient ce qu’on appelle des marques en marketing. Une de ses particularités — et de ses défis — était de travailler dans les deux langues : le français et l’anglais.

  • La maison mère, Isabelle Quentin éditeur dont le slogan était « Des lecteurs curieux, des livres intelligents » s’adressait à des adultes et leur proposait des livres et livrels de type livre pratique, guide et essai. Ses sujets de prédilection étaient le développement professionnel et les affaires auxquels s’ajoutaient des collections qui offraient aux adultes des outils de réflexion ou de développement personnel connexe. On y conjuguait le beau à l’utile à l’intelligent.

  • IQ Press était utilisé pour les versions anglaises de ces mêmes titres.

  • Sgräff, dont le slogan était « Révéler la couleur cachée », à l’origine une maison d’édition distincte, visait les mêmes personnes, mais dans leur sphère privée. Elle proposait une approche ludique et d’exploration à travers des outils et des jeux.

  • Isabelle Quentin maître éditeur réalisait des projets sur mesure, le plus souvent pour des entreprises ou organismes, à travers des biographies d’entrepreneurs et des livres de prestige.

Les couloirs : les lignes éditoriales

Reprenons notre exemple. La maison mère, Isabelle Quentin éditeur [IQ Press] visait des adultes, en milieu de travail ou dans leur vie privée. Elle cherchait à leur offrir des outils et des réflexions pour mieux grandir professionnellement et personnellement. Pour rencontrer ses objectifs et son public, elle a donc créé de nombreuses collections pour regrouper par genre des écrits de qualité conjuguant le beau, l’utile et l’intelligent.

En voici quelques-unes.

  • La collection Les communicateurs [The Communicators] regroupait les essais de conférenciers, coachs, formateurs et universitaires aguerris sachant vulgariser une matière solide.

  • La collection Collectif [Collectif Series], à la manière des actes de colloque, réunissait sous un même couvert plusieurs points de vue sur un même sujet. Édifiant!

  • La collection Coach [Coach] permettait à des coachs de grand talent d’exprimer de façon très pratique leurs réflexions et leurs recettes éprouvées à travers une grille offrant de nombreux niveaux de lecture : exercices, résumés, cas vécus, schémas, tableaux, etc. On aura compris que le lecteur était toujours invité à travailler et à écrire dans ces livres.

  • La collection Somme, comme son nom de suggère, présentait des écrits très complets et documentés sur un sujet donné. Ces ouvrages étaient utilisés à l’université et par des professionnels.

  • La collection Groupie présentait des biographies dans lesquelles on apprenait à s’émanciper et à grandir grâce aux récits de vie de personnes éclairantes.

La maison Sgräff a exploré différents formats inusités. Elle s’est notamment fait connaître grâce à :

  • la collection Comment [How to] qui avait été conçue pour permettre au lecteur d’aborder une question de vie fondamentale sous différents angles et de les explorer de façon ludique.

Isabelle Quentin maître éditeur n’a jamais créé de collections puisqu’il s’agissait toujours d’édition sur mesure. Toutefois, son créneau était de répondre aux besoins du milieu des affaires et d’entreprises à travers des réalisations uniques qui s’adressaient le plus souvent à leurs employés et à l’ensemble de leur écosystème.

Bref, nous connaissions notre lectorat et notre lectorat nous reconnaissait dès la couverture. Pour le groupe comme pour chaque entité, notre ligne éditoriale était claire. Elle formait un ensemble cohérent.

2. En fonction de quoi se définit une ligne éditoriale?

Le plus souvent, la ligne éditoriale résulte d’abord de la personnalité du fondateur, de ses compétences, de la niche qu’il peut légitimement et naturellement occuper.

Ce n’est pas étonnant que tant de maisons d’édition portent le nom de leur fondateur! Il en est la première impulsion, il en incarne la vision.

Le monde évolue et la maison d’édition devrait évoluer avec lui. Aussi, des nouvelles collections pourront-elles apparaître, répondant aux besoins perçus ou exprimés de sa clientèle.

L’innovation, quant à elle, sera favorisée ou non en fonction des valeurs de la direction — principal frein ou accélérateur de la vitalité de son équipe. Une marque, une collection — évoluera d’autant mieux que l’ensemble des collaborateurs y contribuera.

3. Pourquoi est-il important d’en avoir une?

Des collections, des marques, ça s’entretient, ça se développe. Plus elles sont fortes, cohérentes, plus elles finissent par être connues et reconnues. D’un produit à l’autre, la toile se tisse. N’avez-vous pas déjà acheté un titre d’un auteur que vous ne connaissiez pas, tout simplement parce qu’il était paru dans une collection dont vous reconnaissez la qualité ? Un autre titre qui vous avait plu?

Certaines collections fonctionneront mieux que d’autres et amèneront plus d’eau au moulin, mais elles doivent répondre à ces couloirs qui font partie de la même piscine.

4. Comment rester fidèle à sa ligne éditoriale?

Éditeur, éditrice, si un titre est épatant, mais qu’il ne correspond pas à votre ligne éditoriale ou à ses déclinaisons, passez-le au suivant! Soyez sympa, orientez au moins cet auteur vers les éditeurs qui ressemblent à son écrit. Toutes les associations professionnelles ont des bottins de membres. Guidez-le vers ces bottins.

Vous aurez fait un bon geste et vous resterez concentré dans votre couloir, oups, dans votre ligne éditoriale.

5. Quelles sont les conséquences lorsqu’on s’éloigne de notre ligne éditoriale?

On fait alors de tout et on n’a pas de couleur. On est méconnaissable. Impossible d’être repéré par un auteur, un lecteur ou de faire parler de nous dans les médias.

« Que fait-il, que fait-elle au juste? »
« Quel est votre nom ? »

6. Quelques conseils pour choisir sa maison d’édition.

Regardez autour de vous

L’éditeur et vous vivez dans la même société, le même monde.
Un monde où il y a trop de bruit, pas assez d’information.
Un monde où il y a trop de produits, pas assez de sens.
Un monde où un grand nombre de produits culturels sont offerts « gratuitement », quand ils ne sont pas tout simplement piratés — l’exemple de la musique est éloquent.
Un monde où il existe de moins en moins de relais journalistiques de qualité.
Un monde où les difficultés de lecture et d’attention sont légion.

Soyez proactif

Vous aurez peut-être remarqué qu’il y a trop de livres et jamais suffisamment de bons livres. Le travail des éditeurs y est certes pour quelque chose. Mais encore faut-il que la matière soit originale et attrayante.

D’abord, faites-vous connaître avant de vouloir être reconnu. Vous êtes poète, romancier ? Publiez des extraits, de courts textes dans des revues, des journaux de quartier, des sites. Idéalement, bâtissez votre propre site ou blogue.

Vous souhaitez publier un livre pratique, un essai ? Développer un site WordPress. Mettez-y des balados, des vidéos et des articles de fond, des entrevues. Faites-vous connaître et faites connaître votre sujet. Bâtissez-vous une liste de membres qui vous suivront et dont une partie sera heureuse de vous lire le moment venu.

Vous souhaitez écrire pour les enfants ? Allez au-devant de vos futurs lecteurs, ceux pour qui vous écrivez, rencontrez-les, comprenez leurs besoins. Organisez des échanges, des concours, des jeux. Offrez pour recevoir.

Soyez attirant

L’éditeur, de nos jours, doit être très sélectif. Il croule sous les manuscrits reçus et le marché est plus difficile à atteindre que jamais depuis la crise sanitaire qui prévaut — espace médiatique, absence de salons du livre, librairies parfois fermées, etc.

C’est ici aussi que votre effort personnel va porter fruit. En envoyant le résumé de votre manuscrit et vos notes biographiques, joignez une lettre de présentation de vos actions, ce que vous faites déjà, de ce que vous prêt à faire pour l’aider à vous vendre. Vous lui démontrez ainsi que vous travaillerez en tandem. Il y sera sensible et ça sera plus efficace pour toute la chaîne. Que pouvez-vous lui annoncer ? Que vous êtes prêt à participer aux salons du livre de votre région, à y faire des dédicaces et à participer à des tables-rondes, que vous relayerez la venue et la parution de votre livre sur vos réseaux, que vous souhaitez faire un concours et faire tirer des livres, que vous contacterez vous-mêmes les journaux ou radios de votre quartier, etc.

Offrez-lui un projet de grande qualité

De grâce, ne faites pas un titre qui ressemble à cent autres. Distinguez-vous.

Soyez percutant et si vous faites un livre pratique ou un essai, soyez aussi généreux. Ne craignez pas de tout donner. Le lecteur n’en saura jamais autant que vous, l’expert, et une fois écrit, publié, vous serez toujours le premier à avoir proposé telle réflexion ou telle solution. Le copyright, administré par votre éditeur, protégera votre œuvre.

Vous êtes littéraire, romancier ou poète ? Proposez une histoire créative, surprenante dans son format, son écriture.

Vous écrivez pour les enfants ? Travaillez en équipe avec un illustrateur de talent, au goût du jour, qui sera prêt à partager les redevances d’auteur avec vous plutôt qu’être payé à forfait. Demandez-lui de prendre le risque de créer une illustration, de sorte à aiguiser l’intérêt de l’éditeur au moment où vous lui soumettrez votre projet.

Prêt pour une baignade sportive dans une piscine? À vos marques, prêt, partez!

 
 
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